•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

L’épineux problème juridique des campements propalestiniens sur les campus universitaires

Une vue aérienne du camp de l'Université de Toronto avec un cinquantaine de tentes.

Le campement propalestinien de l'Université de Toronto a refusé de partir d'une pelouse malgré la demande de l'établissement.

Photo : Radio-Canada / Patrick Morrell/CBC News

Sans accord en vue, la question des campements de protestataires sur divers campus universitaires en signe de soutien au peuple palestinien pourrait se régler par l’intermédiaire des tribunaux.

Dans le cas du campement propalestinien à l'Université McGill, à Montréal, la Cour supérieure du Québec a rejeté une demande d'injonction présentée par deux étudiants afin de forcer le démantèlement du campement.

À l’Université de Toronto, où le campement est établi depuis trois jours, la direction a souligné dans un communiqué que sa préférence est le dialogue mais que les campus sont des propriétés privées.

La mairesse Olivia Chow et le gouvernement ontarien ont renvoyé la responsabilité de ces situations aux établissements. Il s'agit d'une différence notable par rapport au premier ministre québécois François Legault, qui voudrait que la police évacue le campement à McGill.

Il faut trouver un équilibre entre les intérêts de tous les étudiants, explique Harini Sivalingam, directrice à l’égalité pour l’Association canadienne des libertés civiles.

Il faut garantir la sécurité de tous, mais ça ne devrait pas se faire au prix de la réduction des droits d’autres étudiants à exprimer pacifiquement leurs opinions.

Une citation de Harini Sivalingam, directrice à l’égalité pour l’Association canadienne des libertés civiles

Face à des droits fondamentaux qui peuvent s’opposer, il n’y a pas de supériorité juridique de l’un ou de l’autre, fait valoir un avocat spécialiste des libertés civiles. Néanmoins, s’engager de cette manière n’est pas sans risque juridique pour les manifestants.

Pas de supériorité d’un droit sur un autre

La liberté d’expression et le droit à la sécurité sont tous deux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Il n’y a pas de supériorité de l’un ou de l’autre, explique Julius Grey, avocat spécialiste des libertés civiles. On soupèse le degré de violation et on décide lequel est le plus important dans les circonstances.

La propriété privée n’est pas garantie par la Constitution, mais c’est quand même un droit qui peut être opposé à terme.

Personne n'a le droit d'établir un campement permanent sur le terrain de l'université, bien qu'il soit ouvert au public. Mais je ne pense pas qu'il soit illégal d'établir un campement pour démontrer quelque chose.

Une citation de Julius Grey, avocat spécialiste des libertés civiles
Julius Grey, qui tient son sac de travail, prend une pause devant l'édifice de la Cour d'appel du Québec.

L’avocat montréalais Julius Grey estime que le campement revendicatif, s'il est provisoire, ne constitue pas une atteinte à la propriété privé d'une université. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Le campement, par sa forme provisoire, s'apparente donc à une forme de manifestation, un droit fondamental, selon lui.

L'Histoire démontre que les minorités et les groupes marginalisés ont eu besoin de s’appuyer sur ces méthodes d’expression pour se faire entendre, abonde Harini Sivalingam.

Quand il y a un conflit entre deux droits fondamentaux, la Cour suprême a dit qu'on doit analyser le contexte, ajoute Me Grey.

L’appréciation de la situation a convaincu la Cour supérieure du Québec qu’il n’y avait pas de menace envers les deux plaignants.

La juge a décidé, on respecte le jugement, mais il faut faire des nuances, explique leur avocat, Neil Oberman. Il fait valoir que la décision invite les manifestants à revoir les mots utilisés et à abandonner les termes susceptibles d’être perçus, à tort ou à raison, comme des appels à la violence ou comme des propos antisémites.

Ça, c’est impeccable, ça démontre qu’il y a un problème, pointe Me Oberman. C’est un message fort lancé à tous ceux qui croient être en train d’exercer leur liberté d’expression mais qui ne comprennent pas que ce n’est pas illimité.

J'espère que notre [tentative d']injonction a inspiré des gens en Ontario, en Colombie-Britannique ou à Winnipeg.

Une citation de Neil Oberman, avocat des deux étudiants qui ont demandé en vain une injonction pour forcer l'évacuation du camp à l'Université McGill

Il est de la responsabilité de l'administration universitaire de s'assurer que ses politiques et ses règlements soient appliqués, affirme de son côté Richard Marceau, avocat général et vice-président du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA).

Richard Marceau.

Richard Marceau, vice-président et avocat au Centre consultatif des relations juives et israéliennes, estime qu'il est important de rappeler leurs obligations aux établissements.

Photo : Radio-Canada / Camille Kasisi-Monet

L’organisme a appuyé une action juridique visant notamment l'Université métropolitaine de Toronto, car, selon Richard Marceau, un établissement doit s'assurer que l'atmosphère sur le campus est sécuritaire et qu'il n'y a pas de discrimination envers qui que ce soit.

Intervention de la police

Si, d’un côté, une université ne donne pas suite aux revendications des occupants et que, de l’autre côté, ces derniers refusent de partir pour cette raison, comme ils l’affirment, une expulsion par la police peut devenir l’issue.

Ce peut être une demande de l’Université, une question de temps, un incident…, énumère Me Grey parmi les motifs possibles.

C’est notamment à ce moment-là que des arrestations peuvent se produire, par exemple pour méfait, manifestation houleuse, résistance ou entrave au travail de la police.

Si un étudiant de part ou d'autre devenait l'objet d'un procès criminel et était condamné, c'est une chose qui, de nos jours, pourrait détruire sa carrière. Il faut faire très attention, alerte Me Grey, qui voit là une différence notable par rapport à l'époque [de la guerre] du Vietnam ou de la ségrégation raciale [aux États-Unis].

L’établissement a aussi ses propres mesures de discipline interne. L’Université de Toronto prévient que les étudiants qui vont à l’encontre des politiques de l’Université risquent de subir des sanctions, y compris la suspension. Une manière de donner le ton en vue des prochains jours d’occupation.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Ontario

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Ontario.