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Robert F. Kennedy Jr, trouble-fête de Biden ou de Trump?

Le match de revanche anticipé Biden-Trump de novembre prochain continue d'être scruté au gré des sondages d'intentions de vote. Mais Robert F. Kennedy Jr vient mettre un peu de sable dans l’engrenage politique. Auquel des deux gruge-t-il le plus d'appuis?

 Le candidat indépendant à la présidence Robert F. Kennedy Jr. s'exprime lors d'une activité électorale.

La candidature de RFK Jr changera-t-elle la donne à l'élection présidentielle de novembre?

Photo : Getty Images / Mario Tama

Parce qu’il n’a pas l’appui d’un parti établi, Robert F. Kennedy Jr, 70 ans, doit passer par des détours parfois un peu compliqués pour que son nom se retrouve sur les bulletins de vote dans les 50 États et dans le district de Columbia.

Il doit rassembler des milliers de signatures par État et passer parfois par les tribunaux pour atteindre son but. Mais il existe deux États où, pour se faire inscrire sur les bulletins, il n'y a qu'à rassembler 500 personnes au même endroit : l’Oregon et l’Iowa.

En ce samedi après-midi dans la grande région de Des Moines, en Iowa, ils sont quelques dizaines de résidents à commencer à faire la file pour entrer dans une grande salle afin d’écouter Robert F. Kennedy Jr, dont l'arrivée est prévue dans quelques heures.

Trois partisans de Robert F. Kennedy Jr en Iowa.

Tshanta Spencer et ses proches ont assisté au rassemblement de partisans de Robert F. Kennedy Jr à West Des Moines, en Iowa

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Parmi la petite foule, il y a Tshanta Spencer, une électrice indépendante. Cela fait quatre ou cinq ans que je suis Robert F. Kennedy Jr. J’aime ce qu’il dit et, comme je suis fatiguée de la droite et de la gauche, je suis ici pour lui, dit-elle, ajoutant du même souffle qu’elle ne veut pas que Joe Biden gagne, qu’elle n’est pas forcément anti-Trump mais qu’elle préférerait que RFK Jr soit élu.

Un peu plus loin dans la file, il y a Phil Hayne, un républicain qui veut en savoir plus sur le candidat indépendant. Il n’est pas sûr qu’il va voter pour lui, mais il aime la façon dont il parle des enjeux. Et puis il y a le nom emblématique de Kennedy, note-t-il.

Se faire enregistrer en Iowa à la présidentielle est donc un défi à hauteur d'homme pour un candidat indépendant.

Les principaux partis disposent d'énormes banques de données, explique Richard Winger, expert en lois électorales et rédacteur en chef de Ballot Access News. Ils possèdent des listes de tous les électeurs inscrits. Ils savent beaucoup de choses sur chaque électeur inscrit et donc sur le plan institutionnel, il est vraiment difficile pour un candidat indépendant de rattraper le temps perdu.

Les produits dérivés de Robert F. Kennedy Jr vendus lors des événements de campagne

Les produits dérivés de Robert F. Kennedy Jr vendus lors des événements de campagne

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

RFK Jr doit donc récolter lui-même les signatures ou encore aller en cour pour avoir l’autorisation d’être sur les bulletins de vote, et cela coûte très cher.

Il a choisi récemment Nicole Shanahan, une millionnaire, comme colistière. La Californienne de 38 ans, ancienne conjointe d'un des cofondateurs de Google, est aujourd'hui avocate et entrepreneure dans la Silicon Valley.

C'est elle qui a payé la facture de la diffusion d'une publicité électorale pour Kennedy lors du Superbowl en février.

Un passé tragique

Kennedy est le neveu du président John F. Kennedy et le fils de Robert F. Kennedy, ancien procureur général et sénateur américain. Il n'avait que neuf ans lorsque le président JFK a été abattu en novembre 1963. Son père, Robert, a subi le même sort alors qu'il préparait sa propre candidature à la présidence, cinq ans plus tard.

Accablé de chagrin, RFK Jr s'est tourné vers l'héroïne pour, dit-il, remplir un espace vide à l'intérieur de moi, se désintoxiquant finalement après une arrestation pour possession d'héroïne.

Sa seconde épouse, Mary, mère de quatre de ses six enfants, a également lutté contre la toxicomanie et s'est suicidée.

Descendant de la plus célèbre dynastie politique des États-Unis, RFK Jr s'est forgé une réputation d'activiste, d'auteur et d'avocat pour les causes environnementales.

Des partisans de RFK Jr posent devant des photos familiales du candidat indépendant.

La dynastie Kennedy fascine encore ses partisans

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Connu pour ses campagnes visant à assainir les cours d'eau du pays, à réduire l'utilisation de pesticides toxiques et à promouvoir les énergies renouvelables, il a cependant lancé des appels à la liberté et au libre marché comme solution au changement climatique qui ont fait craindre qu'il ne laisse l'industrie donner le ton pour réduire l'utilisation des combustibles fossiles.

Isolationniste par nature, il s'oppose à l'aide à l'Ukraine, reprochant aux États-Unis et à l'OTAN d'avoir créé une guerre par procuration avec la Russie.

Le mouton noir de la famille

En cours de route, son militantisme s'est orienté vers des conspirations et est entré en collision avec le consensus scientifique. Sceptique de longue date à l'égard des vaccins, il a été accusé de diffuser des informations erronées sur le vaccin COVID-19 dans des médias alternatifs tels que le podcast populaire de l'animateur conservateur Joe Rogan.

Ses opinions controversées ont conduit sa propre famille à le désavouer. Ainsi, la majorité de ses proches s’opposent à sa candidature qui, selon elle, ne fera que diviser le vote au bénéfice de Donald Trump.

Kerry Kennedy, l’une des sœurs de RFK Jr, conjure les électeurs de voter pour Joe Biden afin de contrer Donald Trump.

Bobby porte peut-être le même nom que notre père, mais il ne partage ni les mêmes valeurs, ni la même vision, ni le même jugement. Nous dénonçons sa candidature et pensons qu'elle est périlleuse pour notre pays.

Robert F. Kennedy Jr avant un point de presse à West Des Moines, en Iowa

De par ses positions controversées, Robert F. Kennedy s'est aliéné l'appui d'une bonne partie de sa famille

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Dans cette course à la présidence américaine, RFK Jr est une voix différente, et pas seulement à cause de ses prises de position controversées. Sa voix rocailleuse et parfois essoufflée est le résultat de la dysphonie spasmodique qui comprime sa voix en raison de la fermeture incontrôlée des cordes vocales pendant qu’il parle.

Lui-même trouve pénible de s’entendre.

Sans trop de surprise, à Des Moines, après un peu plus de deux heures du rassemblement, plus de 500 personnes se sont effectivement déplacées pour RFK Junior. Il sera donc sur les bulletins de vote en novembre.

S'il a suffisamment de moyens pour être représenté dans les grands États riches en votes, comme le Texas ou New York, dit Richard Winger, il sera probablement présent dans les 50 États. Mais ensuite? Un candidat indépendant peut-il gagner la présidence américaine?

Une course perdue d’avance?

La dernière fois où un indépendant a obtenu presque 20 % des votes, c’était Ross Perot en 1992 contre George Bush père et Bill Clinton. Un score honorable, mais aucun vote au sacro-saint Collège électoral américain. Donc aucune chance de devenir président, comme le constate Mack Shelley, professeur émérite à l’Université de l’État de l’Iowa.

Parce que la structure du Collège électoral ne vous permet pas de gagner des États, en fin de compte, tout cela n'a pas beaucoup d'importance. C’est, comme le dirait Shakespeare, le genre de bruit et de fureur proverbiaux qui ne signifient rien.

La candidate indépendante à la vice-présidence Nicole Shanahan s'exprime lors d'un événement de campagne.

Nicole Shanahan a été choisie comme colistière de RFK Jr.

Photo : getty images for the democratic / Thos Robinson

Melissa Smith, professeure en communication à la Mississippi University for Women, a écrit un livre sur les défis des candidats indépendants dans un système politique à deux partis.

Elle ne croit pas que la candidature de Kennedy Jr changera la donne, mais il peut influencer le score final dans certains États clés.

Il s'agit d'une élection étrange, car il est possible qu'il retire des voix à l'un ou l'autre candidat dans certains États. Et si c'est le cas, les marges pourraient être suffisamment minces pour qu'il puisse potentiellement le faire, mais c'est vraiment difficile à dire pour l'instant.

Les efforts dispersés de Kennedy pour être représenté dans les 50 États la surprennent un peu. Je ne comprends pas vraiment cette stratégie, s’étonne la professeure. Si je devais le faire et que je voulais en avoir le plus possible pour mon argent, je choisirais les États où le vote devrait être le plus serré.

À qui profite sa candidature?

Récemment interviewé sur CNN, RFK Jr a déclaré que Joe Biden était une menace plus grave que Trump pour la démocratie parce que, selon lui, il aurait été bloqué sur les plateformes de médias sociaux pendant l'administration démocrate, ce qu'il a qualifié d'effort pour censurer le discours politique et saper le premier amendement.

Mais si Robert F. Kennedy Jr joue les trouble-fête dans l’élection de novembre, à qui va-t-il prendre le plus de votes? À Biden ou à Trump? Donald Trump essaie de le dépeindre comme un candidat très libéral, dans l’espoir qu’il grugera plus de points à Joe Biden. Mais les derniers courriels de campagne de l’ex-président qui ciblent beaucoup Kennedy Jr semblent trahir une certaine inquiétude dans ses rangs.

Christina Castaneda s'intéresse à nouveau à la politique grâce à Robert F. Kennedy Jr.

Christina Castaneda s'intéresse à nouveau à la politique grâce à Robert F. Kennedy Jr.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Mack Shelley, de l’Université de l’État de l’Iowa, comprend cette confusion sur le rôle perturbateur de RFK Jr dans cette élection présidentielle.

C'est un personnage qui laisse perplexe, en particulier les démocrates, parce qu'à certains égards, il a un style progressiste en matière de droits civils, de droits des femmes, de liberté de procréation, et beaucoup en matière d'environnement. Mais en même temps, il propage régulièrement de la propagande, qui vient typiquement de la blogosphère de droite, et de la chambre d'écho de la droite.

Une citation de Mack Shelley, professeur émérite, Université de l'État de l'Iowa

Bref, si les sondages semblent montrer qu’il puise actuellement plus dans l’électorat de Joe Biden que de Donald Trump, rien ne semble vraiment coulé dans le béton.

Pourquoi être dans la course?

Alors, sans grand espoir de devenir président, qu’est-ce qui anime RFK Jr? La professeure Melissa Smith se pose la question.

Pourquoi fait-il cela? Je n'en sais vraiment rien. À l'origine, il s’est présenté en tant que démocrate, puis il a quitté le Parti démocrate. Peut-être qu'il essaie de faire tomber Biden.

Une citation de Melissa Smith, professeure de communication et autrice de Third Parties, Outsiders and Renegades

Convaincre, un électeur à la fois

En attendant qu’il gagne l’accès aux bulletins de vote dans d’autres États que l’Iowa, à la fin de son discours, Robert F. Kennedy Jr prend le temps de faire des selfies avec chacun de ses centaines de partisans, sans arrêt pendant presque une demi-heure.

Robert F. Kennedy Jr prend le temps de faire des selfies avec chacun des partisans présents.

Robert F. Kennedy Jr prend le temps de faire des selfies avec chacun des partisans présents.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Le genre de geste qui interpelle Christina Castaneda, une ancienne partisane de Bernie Sanders, venue l’écouter.

Déçue de la politique en général, elle n'est pas sûre de voter en novembre, mais RFK Jr lui a permis de renouveler sa foi dans le changement. Peut-être votera-t-elle à nouveau.

Jusqu’ici, Kennedy est officiellement inscrit dans la course présidentielle en Iowa, en Utah, au Michigan et en Californie.

Sa campagne a déclaré avoir reçu suffisamment de signatures sur ses pétitions pour figurer sur le bulletin de vote à Hawaï, dans l'Idaho, au Nebraska, au Nevada, au New Hampshire et en Caroline du Nord.

La suite d’ici le 5 novembre.

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