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Le pipeline Trans Mountain ouvrira-t-il les portes de l’Asie?

Photo d'un navire pétrolier à proximité du terminal maritime de Trans Mountain, prise le 29 mai 2018.

L'objectif de l'agrandissement de Trans Mountain était d'accroître la capacité d'exportation du pétrole brut canadien et conquérir les marchés asiatiques.

Photo : La Presse canadienne / JONATHAN HAYWARD

L’agrandissement du pipeline Trans Mountain devait permettre au Canada de diminuer sa dépendance envers les États-Unis et de diversifier la clientèle pour son pétrole. Pourtant, selon certains analystes, une majorité du bitume dilué nouvellement acheminé dans l’oléoduc se retrouvera encore au sud de la frontière.

La firme de données énergétiques Wood Mackenzie estime même que 85 % du pétrole acheminé par le nouveau pipeline sera destiné aux raffineries de la côte ouest des États-Unis.

Ces raffineries sont tout simplement proches, ce qui signifie des coûts de transport moins élevés, explique Dylan White, analyste principal du marché pétrolier nord-américain à Wood Mackenzie.

Les installations de la Californie importent déjà du pétrole brut similaire au produit canadien depuis l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient. Elles pourront donc facilement remplacer ces importations coûteuses par du pétrole canadien. La côte ouest a du sens, résume Dylan White.

La concurrence russe

Les États-Unis étaient pourtant loin de faire partie de l’argumentaire de vente pour justifier la construction du pipeline. Au début du projet, la Chine et les autres marchés en croissance de l’Asie étaient les clients de choix des dirigeants et des gouvernements.

« Où est le marché, où est le marché, où est le marché? C’est en Asie », affirmait en 2012 Ian Anderson, alors dirigeant de l'entreprise propriétaire du pipeline Kinder Morgan Canada. Il y a un sentiment d’urgence partout au Canada d’accéder et d’exploiter ces marchés.

Depuis, la géopolitique a changé dans la région, souligne Dylan White. À cause de sanctions économiques, la Russie ne peut plus exporter son pétrole aux marchés européens, mais a trouvé de nouveaux clients en Chine et en Inde, notamment. Ces barils russes à prix réduits sont dominants dans les marchés asiatiques, constate l’analyste.

Pour Wood Mackenzie, ces sanctions pourraient rester en place jusqu’en 2030, ce qui rendra difficile la compétitivité du brut canadien au cours de la décennie.

La valeur de la sécurité énergétique

La vice-présidente du secteur aval à Rystad Energy, Susan Bell, est d’accord que les raffineries californiennes sont un client naturel pour le pétrole acheminé dans l'oléoduc Trans Mountain, mais elle n’écarte pas aussi vite l’Asie.

L’Asie accroît énormément sa capacité de raffinage de pétrole lourd, note-t-elle. Si le pétrole est compétitif, [les raffineurs] trouveront un moyen de l’utiliser.

Le transport du pétrole de Vancouver à la Corée du Sud prend environ 18 jours, selon la société d'État Trans Mountain. Le trajet depuis le golfe du Mexique nécessite le double de temps.

Deux entreprises chinoises, Sinochem et PetroChina, auraient d’ailleurs déjà acheté les cargaisons de navires pétroliers au départ de la Colombie-Britannique, selon les informations de Bloomberg. Reuters rapporte également que le raffineur indien Reliance Industries a acheté du pétrole brut canadien qui sera transporté dans l'oléoduc Trans Mountain.

Des travailleurs devant l'usine pétrochimique de Sinopec à l'extérieur de Beijing le 25 mai 2018.

La Chine et d'autres pays asiatiques ont accru leur capacité de raffinage ces deux dernières années.

Photo : Associated Press / Mark Schiefelbein

Le directeur de l’Institut de la Chine de l’Université de l’Alberta, Philippe Rheault, ne doute ainsi pas que le pétrole canadien intéresse l’Asie, les marchés du sud-est en particulier. L’ancien diplomate a passé un quart de siècle dans la région.

Il reconnaît que l’offre russe est attrayante pour ces marchés, mais d’autres facteurs entrent aussi en jeu.

Je pense que ce n’est pas juste une question de rapport qualité-prix… C’est aussi une question de sécurité, de pouvoir avoir un autre fournisseur avec la réputation du Canada, un fournisseur qui est prévisible, fiable…, souligne-t-il.

Philippe Rheault estime qu’en la matière, l’exportation du pétrole canadien pourrait bénéficier d’un appui politique qui encourage notre approvisionnement directement à ces pays-là afin de rehausser notre posture et la pertinence dans la région.

Tout bénéfice pour les producteurs

Que ce soit l’Asie ou un autre client américain, la destination ne fait pas tellement de différence pour les producteurs canadiens. La simple augmentation de la capacité d’exportation suffit à accroître la valeur du pétrole canadien selon Mark Quesada, analyste à Rystad Energy.

La minute où vous avez une autre option pour vendre votre production, ça donne un sentiment de contrôle et une manière d’agir pour maximiser nos ressources, explique-t-il.

Le rabais qui est imposé au pétrole canadien faute de place dans les pipelines s’est d’ailleurs déjà réduit en prévision du début commercial du pipeline agrandi le 1er mai.

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