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Propriétaire d’une terre agricole, le chef du PQ est-il en contradiction avec son parti?

« Seuls les agriculteurs qui travaillent sur les terres devraient en être propriétaires », disait le PQ en juin.

Photo en médaillon de Paul St-Pierre Plamondon superposée à l'image d'une terre agricole.

Paul St-Pierre Plamondon a acheté un terrain avec sa conjointe et un couple d'amis de Montréal en mai 2022.

Photo : Radio-Canada

« Si, tôt le matin, vous ne chaussez pas de bottes de travail, pourquoi seriez-vous propriétaire d’une terre agricole? » demandait le porte-parole en matière d’agriculture du Parti québécois, Pascal Bérubé, le 28 juin dernier. Or, Radio-Canada a découvert que son chef Paul St-Pierre Plamondon possède 150 hectares dans une zone agricole au Témiscamingue.

Au bout d’un rang de Saint-Édouard-de-Fabre, une maison ancestrale abandonnée et quelques bottes de foin sont sur la vaste propriété agricole du chef du Parti québécois (PQ). Les voisins n’ont pas vu M. Plamondon depuis l’an dernier.

Le 30 mai 2022, soit trois mois avant la campagne électorale, le politicien, avocat de formation, avait acheté ce terrain, grand comme une fois et demie les plaines d’Abraham, avec sa conjointe et un couple d’amis de Montréal, pour un montant de 249 000 $.

Le chef du PQ était retourné en Abitibi-Témiscamingue avec son autobus de campagne, le 12 septembre 2022, pour présenter son programme en matière d’agriculture. Il promettait d’agir contre l’accaparement des terres agricoles.

Le Parti québécois propose et prend l'engagement de légiférer afin de limiter la superficie que pourrait détenir un non-agriculteur, avait déclaré Paul St-Pierre Plamondon. Aujourd’hui, un an plus tard, le PQ n’a toujours pas fixé cette limite.

Une grande consultation publique est en cours depuis cet été, au Québec, pour préparer une réforme de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, parce que de bonnes terres cultivables disparaissent chaque année sous la pression du développement et des spéculateurs.

Le 28 juin 2023, lors d’une entrevue avec Radio-Canada, le député péquiste Pascal Bérubé affirmait qu’il faut prendre des mesures pour que seuls les agriculteurs, agricultrices, qui travaillent sur les terres agricoles puissent en être propriétaires.

Contacté par Radio-Canada, le député de Matane-Matapédia maintient ses propos : Oui, je le crois toujours. L’achat de son chef est-il incompatible avec la position du parti? Je ne sais pas, répond-il. Quant à la terre agricole du Témiscamingue, je ne sais pas ce qu’il en fait, dit Pascal Bérubé.

À l’image de la croissance de la valeur des terres agricoles du Québec, la valeur du terrain de Saint-Édouard-de-Fabre a monté en flèche, ces dernières années. La propriété était évaluée à 61 200 $, il y a quatre ans, au rôle municipal. En 2021, elle était estimée à 98 700 $. Elle a fini par être achetée deux fois et demie plus cher, l’année suivante, par Paul St-Pierre Plamondon et ses amis.

« Je ne suis pas un spéculateur », dit Paul St-Pierre Plamondon

Je n’achète pas pour spéculer, assure le chef du PQ à Radio-Canada. Je ne suis pas non plus en train d’accaparer une terre pour qu’elle devienne en friche.

Paul St-Pierre Plamondon explique louer à perte la partie cultivable (une dizaine d'hectares) à un voisin agriculteur pour qu’il fasse du foin. Il assure avoir ainsi réactivé des terres qui avaient un bon potentiel, mais qui étaient à l’abandon depuis un bon moment.

Il n’y a pas de problème éthique ou de contradiction.

Une citation de Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Avec sa conjointe et ses amis, il souhaite garder cette terre pour très longtemps. Le groupe a un projet d’agriculture durable, d’ici une dizaine d’années, avec des panneaux solaires et de la culture en rotation.

Une maison ancestrale sur le bord d'une route de campagne.

La maison ancestrale acquise par Paul St-Pierre Plamondon à Saint-Édouard-de-Fabre, au Témiscamingue.

Photo : Thomas Gerbet

Il souhaite par ailleurs sauver un bâtiment patrimonial en redonnant une deuxième vie à la vieille maison au bord du rang.

Le chef du PQ promet de « réfléchir » à la réglementation

Paul St-Pierre Plamondon raconte que le vendeur leur a fait promettre d’avoir une intention agricole. En effet, au Québec, rien n’empêche un petit investisseur montréalais, par exemple, qui veut diversifier son portefeuille de placements, d’acheter une terre agricole d’Abitibi-Témiscamingue, où elles sont les moins chères de tout le Canada.

La seule condition qui existe, dans la loi, c’est d’être résident du Québec, explique l’ancien sous-ministre à l’Agriculture de 2004 à 2008, Michel St-Pierre. Au-delà de ça, il n’y a pas d’autre contrainte.

Selon M. St-Pierre, également coprésident de l’Institut Jean-Garon, le gouvernement devrait ajouter une condition pour obliger que les terres soient mises en production et non pas laissées en friche, en attente d’un éventuel dézonage.

Je vais y réfléchir, dit le chef du PQ. C’est une question tout à fait légitime.

Comment distinguer le gros joueur, qui fait de la spéculation et qui bloque la productivité des terres, de petits joueurs, qui veulent tenter leur chance dans l'agriculture durable à petite échelle? Cela prendrait une réflexion sur comment tracer la ligne.

Une citation de Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Une consultation publique sur la propriété agricole dès novembre

En juin dernier, le gouvernement de la CAQ a annoncé le lancement d’une grande consultation nationale en trois parties sur le territoire agricole, les activités agricoles et la propriété agricole. Cette dernière partie de la discussion sera ouverte en novembre. Le gouvernement Legault présenterait ensuite un projet de loi, à l’automne 2024.

André Lamontagne, debout derrière un lutrin, parle au micro, les bras et les index levés.

Le ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, cherche un équilibre entre protection des meilleures terres cultivables et soutien au développement régional, notamment de logements.

Photo : Radio-Canada / Bianca Sickini-Joly

Du côté des autres formations politiques, le Parti libéral du Québec propose de réglementer l’acquisition de terres agricoles par des personnes qui n’ont pas l’intention de pratiquer l’agriculture sur des terres à fort potentiel agronomique et de définir les activités qui y sont permises et prohibées.

Québec solidaire a déposé en mai 2022 un projet de loi pour lutter contre l’accaparement des terres, qui interdisait l’achat de terres par des fonds d’investissement et qui créait un registre permettant de connaître l’identité des acquéreurs de terres. Le parti souhaite également décourager le phénomène d’achat de terres sans qu’elles soient à tout le moins louées à des agriculteurs, en mettant en place des mesures désincitatives contre les terres laissées en friche.

Le Parti québécois demande, lui aussi, une carte qui nous indiquerait quelles sont les terres qui sont propriétés de tiers, ni dans le monde agricole, ni apparenté, ce qui n’existe pas actuellement.

Selon l'Union des producteurs agricoles (UPA), qui a analysé les transactions foncières dans la zone agricole, en 2022, la moitié des acquisitions ont été faites par des non-agriculteurs, alors que cette proportion était de 12 % en 2012.

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