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Protection du caribou : « Québec nous prend pour des ignorants »

Après l’annonce de la stratégie caribou du gouvernement du Québec, les représentants innus expriment leur profonde déception.

On voit un caribou mâle, de profil, avancer sur un sol rocheux, en hiver.

Le caribou de la Gaspésie est le dernier troupeau au sud du Saint-Laurent. (Photo d'archives)

Photo : SEPAQ/Denis Desjardins

« Très déçu », « frustré », « je m’attendais à plus », « Québec échoue encore et encore »… Les mots de Jérôme Bacon St-Onge, vice-chef chargé des ressources naturelles de la communauté de Pessamit, sur la Côte-Nord, sont très durs à l’encontre du gouvernement du Québec.

La stratégie annoncée mardi par Benoit Charette, ministre de l'Environnement, est très partielle, car elle ne concerne que la Gaspésie et Charlevoix, où les hardes de caribous sont déjà en enclos.

M. Bacon St-Onge considère que l’urgence d’agir n’est pas du tout prise au sérieux par le gouvernement qui a octroyé près de 60 millions de dollars pour protéger l’animal.

Jérôme Bacon St-Onge se trouve près la rivière Papinachois et tient dans ses mains le rapport de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards.

Jérôme Bacon St-Onge a porté à bout de bras le dossier de la protection du caribou et de son territoire dans la communauté innue de Pessamit. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Zoé Bellehumeur

En entrevue avec Espaces autochtones, le vice-chef rappelle que, depuis 2020, Pessamit suggère la création d’une aire protégée au Pipmuakan, pour justement soutenir la présence de caribous forestiers. Ce plan est encore écarté de la stratégie du gouvernement, déplore-t-il.

Et il a sa petite idée sur la raison : selon lui, ce secteur est très visé par l’industrie forestière alors qu’elle représente une perturbation majeure pour le caribou.

Ce n’est pas en protégeant le nord de la limite nordique qu’on va sauver les caribous. L’industrie forestière doit être morte de rire, appuie M. Bacon-St Onge, qui précise que Pessamit ne s’oppose pas au développement économique, mais prône plutôt une approche plus mesurée et responsable concernant les coupes forestières.

Quand le gouvernement du Québec comprendra que l’économie basée sur la foresterie n’est pas une économie durable? questionnent en chœur les chefs de la Nation Innue dans un communiqué.

Le ministre Benoit Charette parle et Maïté Blanchette Vézina se trouve à ses côtés.

La stratégie pour protéger le caribou a été annoncée lundi en Gaspésie par le ministre Benoit Charette, en compagnie de Maïté Blanchette Vézina. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-Francois Deschenes

Jérôme Bacon St-Onge rappelle que la manière dont les Innus voient la nature est très différente des non-Autochtones. Pour nous, tous les arbres sont vivants. Et quand nous en coupons un, c’est pour tout utiliser, dit-il.

On a une grande responsabilité concernant la protection du Nitassinan [le territoire ancestral des Innus, NDLR] et on essaye de faire passer notre message auprès de la population, qui semble comprendre, mais ce n’est pas le cas du gouvernement, appuie-t-il encore.

La Nation innue est une entité representant les neuf Premières Nations innues du Québec : Uashat mak Mani-utenam, Matimekush Lac-John, Ekuanitshit, Essipit, Mashteuiatsh, Nutashkuan, Unamen Shipu, Pessamit, et Pakua Shipu.

Même si le gouvernement dit qu’il travaille en collaboration avec les Autochtones, Jérôme Bacon St Onge assure que c’est de la poudre aux yeux.

Jamais nous n’avons été consultés concernant leur choix. Oui, ils agrandissent notablement une zone sur le territoire de Pessamit, mais ce n’est pas ce qu’on voulait.

Une citation de Jérôme Bacon St-Onge, vice-chef au département des ressources naturelles, Pessamit

Québec a en effet annoncé l’agrandissement de 4826 km2 de la superficie de la réserve de biodiversité des caribous forestiers de Manouane-Manicouagan.

Le Québec prend les Innus pour des ignorants, ajoute-t-il encore.

Aujourd’hui, le gouvernement du Québec fait un pas de recul en ne convenant d’aucune stratégie pour la protection de l’Atiku, [le caribou, en innu-aimun, NDLR] en opposition des recommandations même de sa propre commission "indépendante" sur les caribous forestiers et montagnards et également quant à l’annonce de son plan d’action pour l’aménagement de l’habitat du caribou forestier et de leur habitat daté d’avril 2016, précise dans un communiqué le chef Mike Mckenzie, chef porteur du dossier d’Atiku pour la Nation Innue, et chef de Uashat mak Mani-utenam.

Mike McKenzie.

Mike McKenzie, le chef de la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam est chargé du dossier sur le caribou pour la Nation Innue. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Dans un communiqué, le conseil de la Première Nation des Innus Essipit et Pekuakamiulnuatsh Takuhikan (Mashteuiatsh) dénoncent aussi un flagrant manque de courage politique, de vision et de sensibilité pour l’espèce qui continue définitivement à disparaître.

Le gouvernement du Québec continue d’échouer lamentablement au chapitre de sa responsabilité de protection de cette espèce en péril.

Une citation de Les conseils d'Essipit et de Mashteuiatsh

Par ailleurs, tous notent le retard que prend le gouvernement alors qu’il y a urgence.

Les conseils d'Essipit et de Mashteuiatsh dénoncent sans équivoque les reports injustifiables de l’adoption de la stratégie de protection d’Atiku par le gouvernement du Québec.

L’annonce a été reportée en 2023 à cause des feux de forêt. Un prétexte qui avait le dos large, souligne M. Bacon St Onge.

Encore une fois, il demande l’intervention d’Ottawa en vertu de la Loi sur la protection des espèces en péril dans ce dossier. Déjà en août 2022, Pessamit avait exprimé cette demande.

Mardi, Steven Guilbeault, le ministre fédéral de l’Environnement, n’avait pas hésité à critiquer l’annonce de Québec, déplorant l’absence d’engagement de la province.

Il avait demandé au gouvernement québécois de présenter sa stratégie de protection de l’habitat du caribou forestier et montagnard d’ici le 1er mai.

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